Populorum Progressio
Quarante ans déjà...
Avec "Ecclesiam suam" sur le dialogue dans l'Eglise, "Evangelii Nuntiandi" sur la mission d'Evangéliser, "Populorum Progressio" fait parties des grandes encycliques de Paul VI écrites dans la période ou le rayonnement du Concile Vatican II.
Tout
le monde est bien d'accord pour accepter que le precepte numero un de
l'Evangile a une valeur universelle et peu le contestent d'où qu'ils
viennent : "Aimez vous les uns les autres" c'est du bon sens même si
l'on oublie souvent la fin de la phrase "....comme je vous ai aimés"...
Mais
une fois que l'on dit cela, qu'a-t-on dit en fait ?...Finalement pas
grand chose car dans la pratique quotidienne des personnes, des
communautés, des peuples, c'est quoi d'aimer les autres ? Les
comportements concrets sont à inventer tous les jours ..!
Aux
enfants de ma génération, on apprenait à faire une "BA" (Bonne action)
par jour : on se privait de quelquechose pour le donner à
l'autre..C'était bien : l'autre était certainement content (encore que
l'on n'en savait souvent rien du tout)...mais surtout, on était soi
même satisfait et le soir , l'"examen de conscience" était positif !
Dans
la sphère de la vie en société marquée par tous les déséquilibres et
toutes les inégalités que chacun connait, le commandement de la charité
s'est traduit de façon bien diverse à travers les périodes et en
fonction des idéologies et des intérêts..
A celui qui en bordure du
desert n'avait pas d'eau, on apportait de l'eau : il pourrait mieux
vivre, mais l'on créait ainsi un lien de dépendance ; à celui qui avait
faim, on portait de la nourriture : il pourrait mieux manger mais se
créait un lien de subordination avec le donateur...
En réfléchissant
sur ce qu'est réeelement la Charité, avec le souci de faire exister
vriament les personnes et les peuples..on a compris qu'il valait mieux
que celui qui avait soif apprenne à creuser un puits et que celui qui
avait faim apprenne à cultiver la terre : ils vivaient mieux mais
prendraient leur vie en charge de façon plus autonome...
L'Encyclique
de Paul VI, dans le prolongement de cette reflexion enfonce le clou :
le "developpement des peuples" est le nouveau nom de la Paix..
A ce stade de cette page, mieux vaut que le lecteur aille lire le texte de l'encyclique que la prose que je pourrais écrire ne ferait que polluer..et ce serait bien dommage !
Mais un souvenir me vient à l'esprit à propos de ce texte.
En
cette fin de 1967, alors que je venais d'arriver au Séminaire Français
de Rome, le Centre Saint Louis de France avait organisé une conférence
sur le thème "Théologie du developpement".
Le Père Manaranche (SJ) proposait une lecture et un commentaire de l'encyclique de Paul VI sur le developpement.
Au
séminaire français, était alors en gestation le groupe de séminaristes
intégristes, fidèles de Mgr Lefevre, qui donnerait naissance à la
"Fraternité Saint Pie X" ; nous partagions la même vie de séminaristes
mais nos relations n'étaient pas faciles.
Ce jour là, nous avions
trouvé la conférence du Père Manaranche passionnante et elle se
prolongea d'un jeu de questions-réponses au delà du temps prévu.si bien
que les participants venus du séminaire français se présentèrent en
retard à la table du refectoire pour le repas du soir.
Nous entrâmes
donc dans ce refectoire où seuls avaient déjà pris place ceux de nos
confrères qui n'avaient pas participé à la conférence c'est à dire pour
l'essentiel nos "amis" intégristes.
Alors que je prenais place à
table, je me trouvais en face de Paul A.... : il était d'un an plus
jeune mais déjà très déterminé dans ses positions intellectuelles ;
comme moi il était fils de notaire, ce qui forcément crée quelques
affinités et nous arrivions à causer un peu ..de temps en temps !;
A
peine je suis assis face à lui, il me lance : "Alors, cher Michel, la
Théologie du developpement !! Bientôt vous vous précipiterez vers la
théologie de la pêche sous-marine !!"...Pour Paul et ses amis, il n'y a
qu'une théologie possible : la théologie qui traite de "Dieu"
lui-même...
Nous avions ainsi des conversations "aigres-douces" sur
tous les sujets qui touchaient la Foi et la Vie Chrétienne ; ma
formation et ma culture familiale me permettaient une certaine
communication avec Paul et ses amis qui me plongeait au fil du temps
dans une perplexité croissante ! Comment pouvait on être aussi
attaché à l'Eglise et à sa Tradition sans accepter que celle-ci ne
vive ? Et, dans ces années post-conciliaires , à Rome, la Tradition
pétillait de Vie !
En vivant la proximité avec ces jeunes camarades
intégristes, j'ai eu le sentiment qu'ils ne bougeraient jamais pour une
raison très simple : la confusion entre la Foi, leur Foi et leur
ideologie, leur culture ! A leur idéologie et la culture de leur milieu
social, ils ne sacrifieraient rien et leur Foi, leurs convictions
religieuses, leurs pratiques resteraient toujours "régentées" par les
impératifs de leur culture et de l'idéologie de leur groupe humain...
C'est
bien dommage car il est clair pour moi que la foi doit transcender la
idéologies et les cultures humaines : la théologie, la liturgie, la
morale, la vie chrétienne ont vocation a pouvoir s'exprimer de façon
parfois différentes dans des cultures "humaines" différentes ; La Foi
et la Théologie qui en est la facette rationnelle ne saurait fonder
quelque culture dominante que ce soit : elles sont au service de chaque
culture pour en extraire et en manifester la richesse propre.....
Quarante
ans plus tard, j'ai revu Paul l'autre jour à la télévision et entendu
son discours : il porte la même soutane qu'il y a quarante ans, il
déambule du même pas les mains dans les poches de sa soutane..derrière
les mêmes lunettes, il a le même regard intelligent et peut être
attachant mais toujours aussi narquois, provocateur et sûr de lui...il
tient le même discours...
Avec l'un ou l'autre des ses compagnons,
fort de leur visibilité médiatique, de leurs ressources en vocations
(?) en institutions et autres richesses , ils ont réussi sans la
moindre concession à se faire admettre, et donc à faire admettre leurs
attitudes par la hiérachie catholique actuelle ! Ils disent même qu'ils
auraient reçu mission de "relire" ou "revisiter" (comme on dit
maintenant) le Concile Vatican II...(Le retour des traditionalistes)
Non,
l'Eglise qui avance, l'Eglise qui entend l'appel à la mission qui la
constitue n'a rien à faire avec cette attitude là qui est une négation
profonde de ce qu'elle est...à moins que l'Eglise soit nostalgique du
temps où elle avait l'impression de s'imposer, d'imposer ses valeurs et
rêvait d'un messiannisme où elle serait reine !!
Il n'y a qu'un
messianisme, celui du Messie qui vient au milieu des pauvres et les
attire à lui, de tout peuple, de toute race de toute culture, pour le
salut de la multitude...
L'Eglise n'a de sens qu'au service de se
Messie-là et elle devrait dire comme Jean Baptiste : il faut que je
diminue pour qu'il grandisse !!! (Jean 3,29-30)